Ce changement de paradigme sera un bouleversement structurel dans l’économie. Nous avons évoqué dans un chapitre précédant l’arrivée du système des blockchains qui permet à deux opérateurs d’effectuer sans tiers de confiance leurs opérations financières. Imaginez maintenant tous les acteurs économiques réalisant leurs opérations commerciales en total autonomie avec des micro-caisses de compensations, toutes interconnectées en réseaux mais affranchies du système bancaire Cette révolution va permettre de résoudre un dilemme auquel se confronte depuis des siècles les financiers. Comment financer l’investissement lorsque les réserves de capitaux sont insuffisantes et la demande financière supérieure à l’offre ?

Ce nœud gordien est à la base de tous nos malheurs actuels et nous ne voyons aucun spécialiste financier soulever le problème. Toute notre économie s’est structurée sur le fondement initial que l’investissement doit se financer avec l’épargne ou le crédit. C’est ainsi que sont nés les rentiers, les financiers loueur de capitaux et autres spéculateurs qui alimentent cet alambic.

Lorsqu’on apprend qu’aux USA, le Vatican du capitalisme, un sondage réalisé par l’université d’Harvard et publié en avril 2016, nous enseigne que 51% des 18-29 ans rejettent le modèle capitaliste alors que 42% le soutiennent. 33% déclarent par ailleurs pencher pour le socialisme[1]. Si nous regardons de ce côté-ci de l’Atlantique, le pays le plus anticapitaliste de la planète n’est certainement pas la Russie. Il s’agit tout simplement de la France. Un tiers de nos concitoyens se déclarent anticapitalistes[2]. Certains spécialistes n’hésitent pas à annoncer la fin du modèle capitaliste dans moins de 40 ans[3]. Remarquez, si tout le monde en occident s’est réjoui de la chute du mur et de l’écroulement du modèle soviétique, il n’y a rien d’anormal à imaginer que son opposé, le modèle américain voit son mur tomber lui aussi.

Le changement futur de paradigme ne viendra nullement des mutations technologiques ou du changement de tête des gestionnaires de capitaux. Laissez une bonne dizaine d’années à n’importe quel groupe humain pourvu d’une puissance et il deviendra aussi tyrannique que le précédent. Non, ce sont les systèmes qui permettent aux individus de se libérer ou de s’enchaîner. Comprenons bien que la terre tout entière transige dans ses opérations financières avec un instrument que nous pouvons qualifier de « morbide ». Chaque agent économique est séparé des autres de manière quasi systématique par l’essence même de ce que nous nommons argent. Comme nous l’avons déjà vu, la caractéristique dite « libératoire » de l’argent tel que nous le connaissons possède la fonction de nous libérer en coupant le lien entre les humains. En réalité, il se produit précisément le contraire. Car pensez-vous qu’une société puisse fonctionner durablement et paisiblement lorsqu’elle utilise dans ses échanges un instrument de rupture et de séparation ?

L’argent doit redevenir un lien entre les humains. Peu d’entre nous comprennent que les histoires dites économiques sont essentiellement des problématiques sociales !

Puisque nous parlons de mutation future, réinstaurons cet argent-lien que nous avons perdu. Comment cela pourrait-il se construire ? La solution est simple, changeons la nature de la contrepartie du travail. Lorsqu’un tailleur vous confectionne un costume, vous repartez habillés d’un vêtement contenant une part de tissu et une part du travail de l’artisan. Vous avez créé un lien qui durera tant que l’effet du vêtement perdurera. En revanche, la contrepartie de cet échange est rompue si vous utilisez un support mortifère. C’est pourquoi, la notion de compte de compensation géré par des institutions non assujetties au profit et au rendement financier est une réponse viable et durable, et dans tous les cas éthiques. Il y a fort à parier que ces systèmes voient le jour sous peu et deviennent une saine alternative à notre vieux système financier obsolète et désuet.

 

Parlons du futur

De multiples projets fleurissent un peu partout dans le monde. Chacun y va de son idée.

Du côté des institutions gouvernementales avec des initiatives telles que :

 

·         L'Initiative Finance du Programme des Nations Unies pour l'Environnement a pour objectif « de développer et de promouvoir le lien entre développement durable et performances financières »[4].

 

·         Principes pour l'investissement responsable[5]

 

Ou les initiatives individuelles :

 

·         La Banque éthique : A ce sujet nous vous invitons à découvrir la Fédération européenne des banques éthiques et alternatives qui regroupe diverses banques européennes, dont le but est de permettre une gestion éthique des finances. www.febea.org

 

·         La Microfinance : Les services de microfinance fournissent un ensemble de produits financiers aux personnes exclues du système financier classique ou formel. Ils concernent en général les habitants pauvres des pays en développement. www.adie.org

 

·         La Finance Participative : Expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre de personnes afin de financer un projet. https://tinyurl.com/fp-finance

 

·         Les Cigales : Les Club d'Investisseurs pour la Gestion Alternative et Locale de l'Épargne Solidaire - www.cigales.asso.fr

 

·         CLEFE : Réseau d'Accompagnement des Créations et Initiatives avec une Nouvelle Épargne de Solidarité, a été créée en 1989 par Yvonne Jourd’hui - www.racines-clefe.com

Le nombre de candidats au changement est sans cesse grandissant. L’Alkémien est majoritairement pour la nouvelle voie, mais comment la reconnaître ? Il existe quelques pistes, telles que celles évoquées ci-dessus et des centaines d’autres. Pourtant, elles nous laissent toutes un sentiment d’inassouvissement, car elles s’appuient toutes sur les mêmes fondements structurels que notre économie archaïque. Lorsque le terrain n’est plus viable, multiplier les constructions est souvent un acte désespéré. Les nouveaux projets ne se lancent pas en quelques semaines. Il faut parfois des décennies pour imposer un nouveau standard. Nous l’avons vu avec l’imprimerie qui s’est vu censurée des années par le pouvoir lors de sa création. Parlons de l’automobile, qui s’est vue elle aussi interdite tant elle faisait peur. Quant à Internet, les balbutiements de cette technologie datent du début des années 1960, lors de la guerre froide entre les USA et l’URSS. Il a fallu attendre la fin du XXème siècle pour voir émerger un outil convivial et populaire. Il en sera de même pour l’instrument financier du XXIème siècle. Tout vient à qui sait agir sans précipitation !



[1] http://www.slate.fr/story/119883/survivre-american-dream-capitalisme

[2] https://tinyurl.com/France-Anticapitalisme

[3] La Tribune - https://tinyurl.com/finducapitalisme

[4] Partenariat public-privé établi par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et le secteur financier

[5] Appuyés par les Nations Unies ils constituent un réseau international d'investisseurs travaillant ensemble à la mise en pratique des six principes éthiques de durabilité.