Lorsque Monsieur A doit payer Madame B, mais qu’il ne possède pas 100 €, un intermédiaire de confiance se substitue et sert de garant entre les parties. C’est en cela que le système est totalement pervers. Car ce garant a 2 solutions, soit posséder cette somme, soit l’emprunter à son tour. Le marché du crédit se met en route et la machine folle commence à créer des incohérences. Dans ces deux cas, le système bancaire agit comme il l’a toujours fait. Il puise dans son propre capital ou se tourne vers les marchés financiers de la planète, là où chacun peut acheter et vendre son argent. En réalité c’est une image car le système bancaire repose essentiellement sur l’argent scriptural qui s’appuie uniquement sur la confiance mutuelle de ses acteurs.

Il existe deux problèmes concernant ce fonctionnement économique. Le premier est connu depuis toujours, il s’agit du principe de l’usure et le second, de la structure du système de création de crédit, dont nous parlerons dans un second temps.

Tel que le rappelle le Journal La Croix dans un article intitulé : « Le crédit dans les trois monothéismes[1] » les trois religions interdisent ou règlementent fortement la notion de crédit.

« Si nous faisions un peu d’histoire. C’est en remontant le temps que nous pourrons comprendre d’où vient le problème avec l’argent »

Dans le Deutéronome, le législateur biblique va même plus loin : « Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, qu’il s’agisse d’un prêt d’argent, ou de vivres, ou de quoi que ce soit, dont on exige intérêt. À l’étranger, tu pourras prêter à intérêt, mais tu prêteras sans intérêt à ton frère, afin que Yahvé ton Dieu te bénisse en tous tes travaux, au pays où tu vas entrer pour en prendre possession » (Dt 23, 20-21).

Le Lévitique quant à lui fixe encore de nouvelles normes. « Si ton frère a des dettes et s’avère défaillant à ton égard, tu le soutiendras, qu’il soit un émigré ou un hôte, afin qu’il puisse survivre à tes côtés. Ne retire de lui ni intérêt ni profit ; c’est ainsi que tu auras la crainte de ton Dieu, et que ton frère pourra survivre à tes côtés. Tu ne lui donneras pas d’argent pour en toucher un intérêt, tu ne lui donneras pas de ta nourriture pour en toucher un profit » (Lv 25, 35-37).

L’interdiction des prêts avec intérêt était le signe que les enfants d’Israël ne pouvaient être victimes de leurs frères et de leur soif de posséder. Comme peuple élu, ils devaient former une communauté où l’on s’entraidait, analyse Mgr Pierre Debergé.

Les lois juives devenant inapplicables, l’époque talmudique établira par la suite la licence de « commandite », accord au terme duquel le « créancier s’associe dans l’entreprise de son débiteur, partageant les bénéfices et se mettant ainsi à l’abri des pertes » (Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf).

Quant aux catholiques, toujours dans le journal La Croix, il est rappelé que l’usure est condamnée par plusieurs conciles, dont celui de Latran en 1179. Il confirme ce point en rappelant que le pape Urbain III en 1187 condamne toute forme d’intérêt en référence à Luc 6, 35 : « Prête gratuitement, n’espère rien en retour. » Les théologiens reprennent également l’argument d’Aristote selon lequel l’argent qui n’est pas une chose vivante ne peut engendrer.

Pour les protestants, la doctrine diffère, puisque, au XVIe siècle, Calvin fut le premier, en s’appuyant sur un passage de l’Évangile selon saint Luc (4, 34-35), à distinguer les « prêts de secours », qui doivent toujours être gratuits, et les « prêts de production ». Le premier est l’équivalent du crédit à la consommation ; le second, du crédit aux entreprises.

Le Coran est plus ferme lorsqu'on lit dans les versets 275 à 279 de la sourate 2 : « Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se redresseront, au Jour du Jugement, que comme se dresse celui que le Démon a violemment frappé. Il en sera ainsi, parce qu’ils disent : « La vente est semblable à l’usure. » Mais Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure. » [2]

Toute forme de commerce à base d’argent est depuis quelques milliers d’années fortement suspectée d’être à l’origine du malheur des peuples. Les taux de crédit ayant fortement baissé, on peut supposer que l’économie actuelle ne subit plus autant l’influence de l’usure. En revanche, ce qui n’a jamais cessé et qui reste le grand coupable de nos crises actuelles, c’est la spéculation. Lorsque le prêt sur un bien immobilier est taxé à environ 2% de taux d’intérêt, il est difficile d’accuser ce pourcentage d’être fautif dans une crise économique. En revanche, lorsqu’on sait que le marché des spéculations sur les marchandises permet de faire jusqu’à 2000 aller-retour sur le marché avant d’atteindre son consommateur final, on comprend que les parasites financiers modernes sont la cause d’une grande partie de nos maux.

Parlons de la spéculation financière. Vous avez probablement entendu parler de « trading à haute fréquence », qui consiste à transmettre automatiquement et à très grande vitesse des ordres sur les marchés financiers. Aucune intervention de l’humain n’est nécessaire. Tout est traité par des programmes informatiques complexes, appelés algorithmes. Ils gèrent les ordres d’achats et de vente en millisecondes. A ce jour, de 30 à 35% des opérations sont réalisées en Europe, et entre 50 et 60% sont réalisées aux Etats-Unis.

Pour que ce système retrouve un équilibre juste pour l’humanité, il ne suffit de pas brandir l’étendard de la morale. Il faut, soit légiférer afin d’imposer des règles au marché, soit proposer un système plus équitable, qui devienne la nouvelle norme. L’ultra-libéralisme ayant probablement encore de beaux jours devant lui, il ne faut certainement pas compter sur la règlementation pour nous sauver. La seule solution viable, est d’instaurer un nouvel outil plus durable. C’est ce que propose cet ouvrage avec le principe équitable des Caisses de Transactions avec compensation directe entre les utilisateurs.



[1] Article de Loup Besmond de Senneville - https://tinyurl.com/LaCroix3mono

[2] Article de Loup Besmond de Senneville - https://tinyurl.com/LaCroix3mono